Lors du dernier AutomationDay, Michel Brébion, CEO de Winbound, a été longuement interrogé par Michel Picot, journaliste économique à BFM Business sur la question : comment digitaliser la démarche commerciale dans l’industrie ? Retour sur un entretien riche en informations.
Quand on parle de l’usine 4.0, inclut-on également la digitalisation du marketing et du processus commercial ?
L’industrie 4.0, ou quatrième révolution industrielle, correspond à la transformation des systèmes de production avec l’introduction des nouvelles technologies. C’est-à-dire la convergence du monde virtuel, de la conception numérique, de la gestion avec les produits et les « objets du monde réel ». L’ensemble des maillons de cette chaine de production est notamment connecté en réseau, pour répondre à des problématiques comme la production en fonction de la demande, la traçabilité, la gestion des stocks, la maintenance et la productivité, les informations en temps réel, etc.
Mais cette transformation digitale est à appréhender dans sa globalité, y compris dans la relation client. Si les nouvelles technologies ont déjà largement intégré les process de production, ces mutations industrielles ne doivent pas se limiter à ces évolutions. Elles doivent aussi englober le marketing et les méthodes de vente. Selon l’institut américain Forester Research, 80% du parcours d’achat dans l’industrie est désormais réalisé en ligne et 60% se fait avant la présence d’un commercial. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
« La digitalisation du marketing dans l’industrie est un investissement au même titre qu’un outil de production ou un bâtiment »
(Michel Brébion)
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Pourquoi le secteur industriel semble accuser un retard dans la digitalisation du marketing et des pratiques commerciales ?
C’est d’abord une question de management et de priorités. Le chantier de la transformation numérique est très vaste et la culture dominante d’une entreprise industrielle est centrée sur les questions techniques et la chaine de production.
Mais il y a aussi le profil des dirigeants, que mon collègue Christophe, formateur, présenterait certainement mieux que moi avec la méthode DISC. Cet outil d'évaluation psychologique, permet notamment de définir chaque manager selon sa personnalité, ses priorités et son caractère.
Il y a tout d’abord le dominant qui déborde d’énergie. Centré sur l’action, il accepte les challenges et se trouve toujours en mouvement. Il y a ensuite l’influent, soucieux d’avoir de bonnes relations personnelles, généralement optimiste, rayonnant et amical. Il y a également le stable qui apprécie la cohérence dans sa vie, qui n’aime pas être pressé, agit calmement et résiste aux changements. Enfin, il y a le consciencieux qui aime réfléchir avant d’agir. S’il manifeste le désir de connaître et de comprendre ce qui l'entoure, il a aussi peur de se tromper et a du mal à prendre des décisions rapides.
Chaque dirigeant a donc sa propre manière de voir la digitalisation. Mais ils doivent tous le concevoir comme un investissement, au même titre qu’un outil industriel ou un bâtiment. Car, c’est à la direction générale de porter cette approche.
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Quelles sont alors les actions concrètes à mener ?
Il ne s’agit pas d’envoyer simplement des e-mails ou d’ouvrir une page LinkedIn. Il faut commencer par poser les fondamentaux et savoir à qui nous parlons. En marketing, on appelle cela une cible et en inbound marketing un persona, qui va plus loin. Défini à partir de données collectées auprès de clients existants, c’est un portrait semi-fictif mais exact du client idéal, avec des critères comme le comportement d’achat, les objectifs, les motivations ou le comportement numérique.
Il faut ensuite produire des contenus de qualité, qui répondent aux problématiques de mes clients (à ce qui les « empêche de dormir la nuit »). Un prospect ne peut pas savoir du premier coup si l’entreprise répond à son besoin. Il faut donc le guider avec du contenu développé autour de thématiques définies au préalable (qui découlent de l’analyse du persona). Et celui-ci passe notamment par la création d’un blog.
Je sais que, dans l’industrie, on cultive souvent la discrétion (ou la peur de dévoiler des secrets de fabrication). Mais ce que les industriels doivent comprendre, c’est que, lorsqu’une entreprise dispose d’un savoir-faire à forte valeur ajoutée, elle doit se construire une réputation d’expert et devenir la référence sur son marché. Et cela doit se retrouver sur le web, en particulier dans le cadre d’une stratégie de contenu ou d'inbound marketing. Réussir signifie aussi accepter de partager pour attirer et conquérir !
Il faut également définir les outils digitaux adaptés. Je peux en citer deux parmi les plus répandus. Il y a le CRM (Customer Relationship Management ou gestion de la relation client) qui est devenu l’outil de référence pour centraliser les renseignements sur les clients et les prospects. Pour mémoire, selon une étude réalisée par Capterra en 2019, 73 % des PME interrogées n’utilisent pas encore de CRM (autre que Excel ou Outlook).
Il y a aussi le marketing automation, pour suivre le prospect tout au long de son processus d’achat. Outil indispensable dans une stratégie d’Inbound marketing, il est particulièrement adapté dans un contexte de cycle de vente long comme l’industrie.
Enfin, il s’agit d’aligner le marketing et les ventes. C’est essentiel ! Pendant longtemps, le commercial était chargé d'identifier et de contacter les prospects pour les convertir en clients et le « marketeur », devait produire des outils pour le soutenir. Mais, face aux nouvelles attentes des acheteurs, il est devenu indispensable de faire travailler ensemble ces deux acteurs.
Les outils ne manquent pas comme le social selling ou les salons professionnels qui doivent être préparés et exploités ensemble, pour optimiser les actions marketing et commerciales. Sans oublier qu’ un commercial peut être une excellente source d’articles pour le contenu.
Revenons sur le social selling, particulièrement utilisé sur LinkedIn. Phénomène de mode ou véritable outil pour l’industrie ?
Le social selling est avant tout, comme le dit Sylvie Lachkar dans « Le social selling expliqué à son boss », un processus d’écoute de son marché et d’influence. Il désigne des pratiques qui consistent à utiliser les réseaux sociaux professionnels pour développer les ventes. Elles offrent aux commerciaux la possibilité de mieux cibler leurs prospects, pour établir avec eux une relation de confiance.
Ils sont déjà nombreux dans l’’industrie à le pratiquer à titre individuel. Il « suffit » alors d’en faire une stratégie à l’échelle de l’entreprise, complémentaire des outils existants. En effet, c’est un véritable amplificateur qui « permet de mieux voir, de mieux entendre et d’être plus audible ». Une des clefs de son succès, c’est l’accompagnement des équipes pour les aider à faire évoluer leurs pratiques. Cela passe notamment par de la formation et du coaching, comme celles que nous proposons sur notre plateforme formationcommerciale.fr.
Soyons encore plus concret : je suis une PME industrielle et la digitalisation n’a pas été ma priorité. Quelles sont les quatre actions rapides à mettre en place dès maintenant ?
- Améliorer son empreinte digitale : un site internet simple avec un travail sur le contenu (qui doit être compris par mes clients cibles) + une fiche Google My Business par adresse de site + la page LinkedIn Entreprise
- Un ou plusieurs boutons d’action sur son site pour prendre un rendez-vous, demander un audit ou effectuer un téléchargement (plaquette, étude, livre blanc, etc.). Sans oublier le formulaire pour enrichir sa base prospect et suivre la transformation du contact en client
- Mettre en place, toujours sur le site, une FAQ (Foire Aux Questions). C’est une occasion supplémentaire de fournir des réponses à ses internautes et aux moteurs de recherche
- Amorcer la modernisation du processus commercial par la mise en place de l’outil de gestion client, le CRM
Enfin, doit-on intégrer un impact Covid sur les pratiques commerciales ?
Il s’agit avant tout de définir un plan d’action en « mode agile », pour pouvoir l’ajuster dès que nécessaire. Entre les pratiques distancielles, le climat anxiogène et le contexte économique sous tension, il est encore plus impératif de relancer la dynamique et d’impulser la collaboration entre marketing et ventes. Que ce soit la mise en place d’un CRM ou la co-construction des propositions commerciales, les occasions ne manquent pas. Il faut contextualiser son approche client pour être véritablement « customer centric », c’est-à-dire empathique et sincère. Cela reste toujours la formule gagnante !